GIOVANNI MARIA MARANI (sacerdote)
La vie de nos premiers Pères qui ont vécu avec St Gaspard Bertoni
La sainte vie de nos premiers Pères est celle qu’ils ont vécu aux Stigmates, le regard toujours tourné vers le saint Fondateur. Cette vie religieuse était caractérisée par une parfaite observance religieuse, animée par le P. Gaspard et voulue par tous, dans un style de grande pauvreté, d’entière obéissance, de profonde humilité, de prière, de silence et méditation, de prières faites ensemble, de brefs temps de détente après les repas, de suffisant sommeil, mais jamais excessif. La mortification, la pénitence, l’austérité et la sobriété dans la nourriture et la boisson complètent le tableau. Tous disaient : « Aux Stigmates on mène une vie trop austère et de pénitence », car ils voyaient que les Prêtres et des Frères étaient tous maigres.
On les admirait pour leur parfaite obéissance au P. Gaspard, qui donnait surtout le bon exemple et peu d’ordres. Le Père état un modèle par son inlassable activité et dans ses nombreuses souffrances supportées avec patience et sérénité. La souffrance était considérée une grâce, une occasion d’expiation. Avec cela la vie aux Stigmates était sereine et faite de joie partagée et de communion fraternelle.
Si l’on a déclaré saint le P. Fondateur, on peut considérer saints aussi ses confrères. Voilà pourquoi il faut les connaître au moins un peu.
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P. JEAN-MARIE MARANI
1790 - 1871
Chapitre I
De la naissance à la prêtrise
1. Naissance
Le P. Jean-Marie Marani est né à Vérone dans la paroisse de St Etienne le 5 mai 1790 de Celestino Marani et de Orsola Robbi. Trois jours après il a été baptisé. Il était le troisième de six enfants, dont deux sont morts en bas âge. Son père était un bon teinturier, apprécié même par la Mère Madeleine de Canossa.
2. Enfance et adolescence
Ses très pieux parents se sont souciés de son éducation religieuse, humaine et intellectuelle
A 9 ans Jean-Marie reçoit la Confirmation et à 12 ans la 1ère Communion.
En 1803 la famille Marani alla habiter dans la paroisse de St Paul au Champ de Mars.
Comme le jeune Jean-Marie avait une bonne disposition pour les études, on l’a confié à ces braves maîtres très appréciés du Petit Séminaire du diocèse. En 1805 notre jeune Marani, qui a 15 ans, a suivi volontiers la voix de Dieu qui l’appelait à devenir prêtre.
Comme ils habitaient la même paroisse, le jeune Jean-Marie est devenu un grand ami de l’Abbé Gaspard, vicaire de la paroisse, qui s’occupait de la jeunesse, pour laquelle il venait de créer l’Oratoire, secondé par les Abbés Matthieu Farinati et Gaétan Allegri. Ce mouvement de l’Oratoire, qui avait été baptisé la Cohorte de Marie, connaissait un succès de plus en plus grandissant jusqu’à compter 400 inscrits.
3. Prise de l’habit ecclésiastique
Les quatre jours de retraite pour la prise de la soutane de Marani avec d’autres grands-séminaristes a été animée par les Abbés Bertoni et Farinati juste après Noel 1805. Le jour de l’Epiphanie 1806 le jeune Marani reçut l’habit ecclésiastique dans sa paroisse par le Curé Girardi Francesco.
Jean-Marie avait une intelligence lucide et une volonté ferme, qui face aux difficultés se fortifiait encore davantage. Cependant Marani va réussir dans ses études avec quelques difficultés à cause de sa mauvaise santé, qui l’empêchera de suivre régulièrement les cours. Parmi les matières, il y avait aussi l’éloquence sacrée, qui va aider Marani à « bien s’exprimait » - comme remarquait l’Abbé Bertoni, qui s’occupait bien davantage de sa formation spirituelle.
Au grand-séminaire, Marani méditait chaque dimanche les méditations de l’Abbé Gaspard, ses récollections et ses retraites ; il était aussi son Père spirituel.
4. Confident privilégié de l’Abbé Gaspard
40 ans après cette époque Marani dévoilera une confidence que Bertoni lui avait faite, à savoir que « l’Esprit du Seigneur avait montré à son Serviteur (Bertoni) un symbole et une image (de la Congrégation) qu’il me confia, lui qui était si réservé sur ses choses personnelles, autour de l’année 1812 », lorsque cela était impossible, car depuis 1810 toutes les Congrégations avait été supprimées par Napoléon.
5. Diaconat et Presbytérat
Le 19 septembre 1812, l’Abbé Jean-Marie reçut le Diaconat de la part de son Evêque, Mgr Innocenzo Liruti ; quant au Presbytérat, ce fut le 4 juin 1814.
L’Abbé Gaspard était alité et ne put assister ni à l’Ordination sacerdotale, ni à la Première Messe de l’Abbé Marani, qu’il célébra le 5 juin 1814 à St Paul au Champ de Mars. Le champ d’action du nouveau prêtre dut être aussi St Paul. Nous avons un témoignage de sa présence en 1816 pour la sortie officielle de la nouvelle Congrégation de le Pureté de Marie dans la paroisse de St Ferme Majeur. Son nom est en troisième position parmi les animateurs, après ceux de Bertoni et Mazza et de Gramego.
Chapitre II
De l’entrée aux Stigmates à la succession du P. Gaspard
1. Mr le Curé Galvani m’a offert le domaine des Stigmates
1816 est l’année de la célèbre Mission de St Ferme Majeur, où l’Abbé Gaspard seconda le Chanoine Pacifico Pacetti, et obtint de Propaganda Fide le titre de Missionnaire Apostolique.
La même année a été surtout l’entrée aux Stigmates, pour laquelle la part de Marani a été décisive, puisqu’à l’offre de l’Abbé Nicolas Galvani, l’Abbé Gaspard donna consentement, sachant compter sur la collaboration de l’Abbé Marani ; et il a communiqué cela aussi à la Mère Léopoldine Naudet, à laquelle il allait céder le couvent de Ste Thérèse. Il lui écrivait : « Mr le Curé Galvani m’a offert le domaine des Stigmates comme lieu convenable pour y mettre une Congrégation de prêtres qui vivent sous les règles de St Ignace ». Naturellement il ne fallait pas que cette nouvelle soit connue officiellement à cause de l’opposition du Gouvernement.
A la suite de la proposition de l’Abbé Galvani, Bertoni a contacté ses amis Marani et Gramego, qui acceptèrent de vivre en communauté avec lui et d’enseigner dans la petite école que Mr Bellotti y avait créée avant de mourir prématurément. Les deux amis de Bertoni partagèrent sa célèbre phrase : « Il faut que nous nous jetions à la mer ; quelque baleine nous rendra ensuite sur le rivage ».
Voici ce que l’Abbé Gramego écrivit dans son « Journal de ceux qui sont venus aux Stigmates » : « Le 4 novembre 1916 sont venus habiter de quelque manière :
1. Le Très Révérend Abbé Gaspard Bertoni, comme chef et père ;
2. Mr l’Abbé Jean-Marie Marani, son ancien élève de St Paul au Champ de Mars ;
3. Mr Paul Zanoli, comme secrétaire, commis, cuisinier, etc., sans rien connaître de tout cela ».
Et Gramego lui-même ? “Le 4 décembre je suis venu moi aussi pour compter pour un, et pour faire quoi ? On verra. Deo gratias !”.
2. Testament de l’Abbé Galvani en faveur de Bertoni
L’Abbé Galvani a enseigné la Théologie Morale au grand-séminariste à Bertoni, dont il était aussi le Père spirituel. Ensuite il a aimé beaucoup l’Abbé Gaspard, parce qu’il voyait en lui un jeune prêtre très engagé spirituellement et dynamique dans le travail pastoral ; il avait été mis au courant aussi de son désir de fonder une Congrégation religieuse, pour y suivre la spiritualité de St Ignace de Loyola. En rédigeant son testament (1818), l’Abbé Galvani désignait l’Abbé Bertoni héritier non seulement du domaine des Stigmates, mais aussi du couvent de Sainte Thérèse, du couvent de la Sainte Trinité, de la maison des « Derelitti » (Délaissés), de deux magasins et d’une partie de ses biens. Ces domaines avaient été rachetés au Domaine avec le concours de Mr Bellotti.
C’était un gros patrimoine, qui a fait de lui le « grand-père » de la Congrégation des Stigmatins. Mais son héritage spirituel était bien supérieur grâce à ses enseignements et à son exemple. Les principes de son ascèse sont devenus les points fondamentaux de la vie spirituelle de Bertoni, tels que l’esprit d’abandon et une grande humilité selon le dicton véronais « buseta e taneta » (les ‘petit trou et terrier’ du grillon) que Galvani répétait souvent. « Il faut bien s’accrocher à la terre » - écrit Bertoni dans son Journal Intime – pour ne pas se laisser prendre par l’orgueil et vouloir s’élever au-dessus des autres.
3. Le domaine des Stigmates et la vie de nos premiers Pères
Ce domaine comprenait une belle chapelle, mais délabrée, avec la sacristie, une maison et un terrain assez vaste. La toute première communauté de quatre membres a été bientôt enrichie par l’entrée des Abbés Matthieu Farinati et Gaétan Brugnoli, qui était ingénieur et architecte. Ce dernier a été tout de suite très utile à Bertoni, qui disposant de quelques moyens, lui a demandé de diriger les importants travaux de réfection de la maison, qui servait aussi d’école, pour en faire un vrai couvent et une bonne école. Ce fut ensuite le tour de la petite mais belle église et enfin de la construction d’un clocher.
4. L’école
L’engagement d’enseigner dans l’école primaire et ensuite dans le secondaire venait de l’Abbé Galvani pour continuer une œuvre sociale déjà commencée par Mr Bellotti. L’école a servi en même temps de « couverture » ou explication de la présence de plusieurs prêtres dans ce lieu des Stigmates : ils instruisaient gratuitement les enfants de la rue, en cachant ainsi aux autorités hostiles aux Congrégations religieuses que là vivaient en fait des religieux.
Comme le Gouvernement n’avait pas encore établi une méthode des études, les enseignants des Stigmates suivaient celle proposée par l’Abbé Bertoni. Mais le Code du Gouvernement entra en vigueur pour l’année scolaire 1818-1819 avec les programmes scolaires à suivre ; il fallait aussi que les enseignants passent un test d’habilitation. L’habilitation pour la Grammaire (Ecole primaire) a été donnée, au début, aux Abbés Marani, Gramego et Brugnoli; celle pour le Gymnase a été donnée peu après à l’Abbé Bertoni (1821).
5. Formation religieuse de la première Communauté
Pour ce qui concerne la vie religieuse, voici ce qu’écrit son biographe, l’Abbé Gaétan Giacobbe : « L’Abbé Gaspard d’un côté dirigeait l’école et s’occupait du ministère, le dimanche, de l’autre il encourageait ses frères à vivre l’esprit religieux (« more religiosorum ») en soulignant qu’il fallait être des « moines à la maison et des apôtres dehors », pour former une vraie Famille Religieuse ».
L’Abbé Lenotti nous laisse son témoignage sur ces débuts : « Ils avaient adopté volontiers un style de pauvreté très stricte pour la nourriture et l’habillement, en imitant ainsi les communautés de la plus stricte observance, d’après l’exemple de l’Abbé Gaspard, qui voulait ainsi imiter tous les Saints Fondateurs. Ce qui était admirable c’était de les voir toujours joyeux ».
L’Abbé Gaspard était convaincu qu’il fallait commencer ainsi ; le temps viendra ensuite pour une moindre rigueur.
6. Le grand travail de l’Abbé Marani malgré sa mauvaise santé
La mauvaise santé que Marani avait manifestée depuis le Grand-Séminaire, le suivra toute sa vie, en ressemblant en cela à son Père Gaspard. Pour Marani il s’agissait, semble-t-il, de douleurs provoquées par des calculs biliaires et par des inflammations intestinales. Malgré cela, sauf cas de crise grave, il continuait à travailler, même plus que les autres. En cela Bertoni l’admirait beaucoup.
Voici l’éloge que Bertoni a fait de Marani en écrivant à l’Abbé Bragato, qui était aumônier de l’Impératrice à Vienne :
« L’Abbé Marani, pendant la journée, enseigne à l’école ; certains soirs et les jours non ouvrables il est dans la maison des Derelitti, où il confesse beaucoup et prêche avec beaucoup de fruit pour ce quartier. Les autres soirées il tient des conférences de Morale avec 10-12 prêtres, du genre de celles que nous faisions à St Ferme. Après la conférence, il y a l’échange entre eux pour parvenir à trouver une solution pour les cas les plus compliqués. Le Seigneur lui donne encore lumière, prudence et grande franchise. Le jeudi, il examine, comme d’habitude, les grands-séminaristes.
Il continue en se rendant toujours disponible pour accueillir des pénitents à n’importe quelle heure, en arrêtant le repas de midi ou du soir, en retardant le repos. De même le dimanche, il confesse derrière l’autel de St Etienne jusqu’à l’heure où il va à St Sébastien pour donner un enseignement… Les fidèles l’écoutent volontiers, et il semble bien que la Parole de Dieu ne soit pas jetée, mais accueillie dans une bonne terre… ».
Avec cela Marani donnait encore des Retraites spirituelles au Clergé, en édifiant ses auditeurs pour son zèle et sa sainteté. D’illustres personnes, ainsi que des gens simples, demandaient ses conseils pour de graves et difficiles questions, et tous l’admiraient pour sa sagesse ».
En 1941 Mgr Mutti demandait à l’Abbé Gaspard un Père spirituel pour les Sœurs de la Sainte Famille de la Mère Naudet, qui résidaient juste à côté des Stigmates, dans le couvent de Ste Thérèse. Comme Bertoni essayait de lui résister car « cette charge n’était pas dans leurs règles », Mgr insista et l’Abbé Gaspard lui désigna l’Abbé Marani, qui va assurer cette aumônerie pendant douze ans. Voilà encore du travail pour le malade chronique Marani.
Marani écrit : « Depuis 1847 nous prêtons notre assistance spirituelle aux détenus, sur demande de notre Evêque, par les confessions chaque semaine et par des Retraites ». Le même continue : « En 1849, un confrère (Venturini) et moi avons été choisis pour l’assistance spirituelle des agresseurs, qui d’après le tribunal de l’état (de siège) sont ou seront condamnés à mort, et ils sont nombreux ». Il s’agit de l’état de siège des Autrichiens contre es Français, qui va durer longtemps à Vérone.
Voilà encore des charges que nos premiers Pères estimaient comme conformes au charisme.
L’Abbé Marani était considéré dans le diocèse de Vérone comme un grand prédicateur ; voilà pourquoi on lui faisait appel pour d’importantes prédications dans les grandes églises de la ville, comme celle de St Zénon ou même la cathédrale.
Il était apprécié aussi pour sa catéchèse qu’il faisait dans l’église de St Sébastien, qui était dans le temps propriété des Pères Jésuites, qui vont d’ailleurs la reprendre en 1839.
En voulant faire une petite synthèse de la figure éminente de l’Abbé Jean-Marie Marani, nous disons qu’il a été le premier compagnon de Bertoni à l’origine de l’Institut, son confident et même son confesseur. C’est lui l’héritier naturel de cette toujours naissante Congrégation, dont il a reçu les Constitutions du Père Gaspard, qui sans doute lui a fait part plus amplement qu’aux autres, de l’esprit qu’il voulait imprimer à cette « petite compagnie ».
Par ailleurs, les biens matériels, immeubles et meubles, l’Abbé Gaspard les avait confiés à l’Abbé Benciolini. Cela a été providentiel pour le salut de l’Institut, car après l’annexion de la Vénétie par le nouveau Règne d’Italie, on a renouvelé les lois de la suppression des Instituts religieux et de la confiscation de leurs biens (1866).
Chapitre III
De la succession au P. Gaspard à l’érection canonique de l’Institut
1. Mort du P. Gaspard, sa succession et approbation de l’Institut
Le P. Fondateur, Gaspard Bertoni, a été rappelé à Dieu le dimanche 12 juin 1853, à 15 heures, après une dizaine d’années de grandes souffrances. Il était entouré de deux confrères, dont Marani ; les autres étaient partis pour la catéchèse dans les paroisses.
Le P. Jean-Baptiste Lenotti écrit : « Après la mort de notre Vénéré Fondateur, le P. Gaspard Bertoni, les Pères Marani, Gramego, Benciolini, Venturini et Lenotti se sont réunis pour l’élection du Supérieur de la Congrégation. Par la grâce du Seigneur a été élu à l’unanimité le très Révérend P. Jean-Marie Marani, le fils premier-né de Bertoni ». La toute petite Congrégation était alors composée de 6 prêtres, dont Bragato à la Cour de Prague, et 4 Frères. Le P. Gramego était mort depuis peu de temps. Héritier des biens était toujours le P. Benciolini François, qui fit une procuration notariale pour le P. Jean-Marie Marani.
Mgr Louis Bragato restait aumônier, à la cour de Prague, de l’ancienne Impératrice Maria Anna, femme de Ferdinand d’Habsbourg, mais il restait toujours en communion avec ses confrères et les aidait.
2. Démarches pour l’approbation de l’Institut
Marani était convaincu que l’approbation de l’Institut de la part du Pape et de l’Empereur d’Autriche allait donner vigueur et confiance pour sa survie et pour avoir de nouvelles vocations. Il commença par rédiger une Supplique au Saint Père Pie IX, le 15 décembre 1853, et ajouta des pièces annexes.
1ère pièce annexe : Une Relation sur l’Institut des Stigmatins aux différentes Autorités Ecclésiastiques et Civiles, rédigée par le nouveau Supérieur de la Congrégation.
Suivirent cinq Lettres Testimoniales de soutien du nouvel Institut : celle du Vicaire de Mgr Giuseppe Belloni et de son successeur, Mgr Anton Francesco Marchi ; la Lettre de Mgr Pietro Aurelio Mutti, Patriarche de Venise, ancien Evêque de Vérone ; Aperçu économique ; les Constitutions du Fondateur.
Par sa Supplique Marani était « sûr de bien interpréter l’intention de son vénéré Père et Maître : il priait humblement en son nom propre et au nom de ses Fils et Frères pour que le Saint Père se daignât d’approuver les Règles que le Fondateur voulait donner à sa petite Congrégation. Ces Règles ont été le fruit de longues méditations, de prières et de mûrs conseils… Grâce à cela qu’il plût au Saint Père d’élever cette Congrégation au niveau d’un Ordre Religieux… avec le Nom d’Ordre des Sacrés Stigmates ou Plaies de notre Divin Rédempteur, qui furent le prix de notre abondante rédemption ».
Un dossier semblable fut préparé et donné au P. Bragato pour la Cour Impériale, le 23 décembre 1853. Le même Père reçut également le dossier pour le Pape, qu’il confia au Nonce Apostolique, qui le fit parvenir à Rome en février 1854 avec une bonne recommandation de sa part. Entre-temps le P. Marani tomba malade de ses vieux maux pendant cinq mois.
Le 7 avril 1854, un nouvel Evêque de Vérone était préconisé en la personne de Benedetto Riccabona, un curé du diocèse de Bolzano. Le 31 mai 1854, avant que le nouvel Evêque ne se rende à Rome pour son sacre, le P. Marani fait un effort pour le voir et lui parler de notre Institut, en lui donnant une copie des Constitutions, en le priant de plaider sa cause auprès du Saint Père.
Marani pensait de se rendre lui-même à Rome, auprès du Pape, poussé aussi par Mgr Bragato, qui lui disait di profiter de l’allée à Rome de Mgr Riccabona. Ainsi le 23 juin 1854, le P. Marani se rendait à Rome accompagné par le Frère Luigi Ferrari. Il fut logé par le Chanoine Bertinelli. Mais ses premiers contacts avec la Congrégation des Evêques et Réguliers ne furent nullement encourageants. « Mais ils ne sont que trois pelés et un tondu – dit le Protonotaire Bizzarri - ; le P. Marani peut rentrer chez lui tranquillement ». Par chance et Providence, ce même Mgr Bizzarri fut élu peu après Archevêque de Philippes et puis Cardinal.
Mgr Riccabona, peu après son sacre, présenta sa Relation, qui était pleine d’éloges pour le Père Fondateur Gaspard Bertoni, dont il connaissait la renommée de sainteté, pour le souffrant P. Marani et ses confrères, qui étaient très actifs dans différents ministères, qu’ils prêtaient gratuitement : tous des signes qui faisaient espérer un avenir radieux pour cette petite Congrégation. Il recommandait enfin le maladif mais zélé P. Marani à son Eminence le Cardinal Préfet des Evêques et Réguliers, « pour qu’il se daigne de l’aider à obtenir l’accomplissement de ses vœux ».
« Le jour de St Laurent (10 août) le P. Marani alla aux nouvelles auprès du Vice-Secrétaire, qui « mu de compassion (pour sa santé), lui dit qu’il allait donner les Règles au Consulteur, le P. Perrone (un théologien jésuite) et qu’il s’entende avec lui. Celui-ci lui demanda un mois pour pouvoir analyser tout le dossier.
La réponse du P. Perrone était qu’il fallait apporter assez de corrections aux Constitutions. Ne voulant pas retourner bredouille à Vérone, Marani prit conseil et rédigea un Compendium (ou Résumé) des Constitutions pour donner un bon aperçu de l’Institut et obtenir ainsi un « Décret de Louange ». Le P. Perrone, tout en donnant son avis favorable, présenta, ce Compendium à la Congrégation des Evêques et Réguliers, qui donna aussi son approbation le 3 mars 1855.
3. Audience du St Père Pie IX. Décret de louange et Approbation impériale.
Le P. Marani a été reçu par le Pape Pie IX et il lui exposa son désir que sa petite compagnie soit approuvée comme Ordre Religieux. Le Pape lui promit de voir ce qu’il pouvait faire, tout en souhaitant « crescat pusillus grex – que grandisse le petit troupeau », et il le bénit avec le Frère Louis et toute la petite compagnie. Ainsi Marani retournait à Vérone en laissant à Rome un bon souvenir de lui et de son petit Institut.
Mgr Riccabona s’arrêtait encore à Rome pour assister à la solennelle définition dogmatique de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854.
Le vieux et maladif Marani avait conquis par ses manières et ses paroles, la sympathie non seulement de Bertinelli et Perrone, mais même du Pape ; ils furent très peinés lorsque, quelque temps après, ils apprirent la fausse nouvelle que le bon Père Marani était mort. Dès que cette nouvelle fut démentie, le Pape s’en réjouit avec les Cardinaux dans les audiences publiques.
Le P. Perrone, après avoir examiné le Compendium des Constitutions, la Présentation de la Congrégation par le P. Marani et surtout la très favorable relation du Mgr Riccabona, proposa à la Congrégation des Evêques et Réguliers le Décret de louange.
Après une assez longue attente, le 21 mars 1855, en la Fête de son Saint Patron, Mgr Benedetto Riccabona donnait au P. Marani « la très joyeuse et consolante nouvelle » : « Hier, sa Sainteté s’est daignée d’accorder un Décret de louange à la Congrégation des Sacrés Stigmates de Vérone ». Mgr Riccabona faisait remarquer que « cette grâce a été donnée le jour où sont vénérée les Très Saintes Cinq Plaies de Notre Seigneur : je considère cela comme une particulière disposition de la Providence ».
L’Erection canonique de notre Congrégation a eu lieu le 30 septembre 1855, cinq mois après le Décret de Louange. Pour ce qui concerne l’Approbation officielle de notre Institut et de ses Constitutions auront lieu bien plus tard, à cause entre autre du retard pris à répondre aux « Animadversiones » ou Remarques faites aux Constitutions par le P. Perrone.
Après avoir fait diverses vérifications, l’Autorité Impériale d’Autriche signa le Décret d’Approbation le 14 juillet 1855, pour la Congrégation des Prêtres des Stigmates.
4. Premières activités des Prêtres des Stigmates ou Missionnaires Apostoliques
Il faut remarquer le double nom que Marani a donné à la Congrégation dans les documents qu’il a présentés à Rome : l’un était l’appellation populaire que ces Pères avaient, à savoir les « Prêtres des Stigmates », avec l’ajout de Marani « de Notre Seigneur Jésus Christ » ; l’autre nom était en réalité le but de ce nouvel Institut d’après les Constitutions du Fondateur : « Missionnaires Apostoliques en aide aux Evêques », d’où le nom de « Missionnaires Apostoliques ».
En août 1855 les obstacles pour prêcher des Missions au peuple étaient enlevés grâce au Concordat de l’Autriche avec le Saint Siège. Marani et ses frères s’empressèrent de réaliser le projet du Fondateur, pour lequel ils s’étaient entraînés depuis longtemps. Il s’agissait de Retraites de plusieurs jours organisées pour toute une paroisse, par exemple, avec beaucoup de sermons, des prières et des confessions.
Cependant un conflit va naître peu après entre l’occupation de nos Pères pour les Missions au peuple et l’enseignement à l’école, à cause du petit nombre des membres de la Congrégation.
Mais le Providence va donner son habituel coup de main. Le P. Bragato s’exprimait ainsi, le 31 janvier 1857, en écrivant au Préposé Général de la Compagnie de Jésus : « Cela fait un an que cette pauvre Congrégation, désormais presque éteinte, a été canoniquement érigée et constituée. Depuis lors elle a repris vie ; il semble que notre saint Fondateur ait transmis son esprit à ses fils. Ceux-ci sont devenus, presque à l’improviste, des prédicateurs et des missionnaires, au point qu’ils font des merveilles dans les lieux où ils sont envoyés pour annoncer la Parole de Dieu. Ce qui encourage encore davantage est le fait que de très bons prêtres et plusieurs jeunes gens demandent à faire partie de cette nouvelle famille religieuse ».
Le P. Marani s’empressa de réhabiliter, tant bien que mal, le couvent de la Sainte Trinité, qui accueillit, le 1er mars 1857, 13 novices, dont 4 prêtres, 7 étudiants et 2 laïcs ; le P. Maître était le P. Lenotti, aidé par le Frère Paul Zanoli.
5. La vie du Fondateur de l’Abbé Giacobbe
A la fête des Saints Epoux de 1858, le P. Marani eut la joie de distribuer la Vie du Vénéré Père Fondateur, écrite par le curé de la paroisse voisine de la Sainte Trinité, l’Abbé Gaétan Giacobbe. C’est depuis la fin de 1855 que Marani, après avoir recueilli les souvenirs des confrères et les siens, sollicita le bon écrivain, l’Abbé Giacobbe, qui connaissait aussi assez bien le P. Gaspard, d’écrire sa vie. Cette vie s’avéra devenir le document principal pour la cause de béatification du Fondateur à Rome, car on avait trop tardé avant de commencer le procès diocésain, où finalement peu de témoins oculaires se présentèrent, car les plus importants étaient déjà morts.
Chapitre VII
De la guerre d’indépendance de l’Italie de 1859 à 1866
1. Le différend avec les Sœurs de la Sainte Famille
En 1959 le Règne d’Italie avec l’aide de la France, dans sa lutte pour l’indépendance, a été victorieux dans la guerre de St Martino et Solferino contre l’Autriche, qui se retira autour de Vérone. La conséquence fut encore une fois la réquisition par l’armée des églises et couvents de la ville, dont le couvent de Sainte Thérèse des Sœurs de la Sainte Famille ; par contre l’église et le couvent des Stigmates furent épargnés, parce que pleins de prêtres, de profès et de novices.
Le P. Marani voulut profiter de cette réquisition pour rompre le contrat de 1830 du P. Fondateur avec la Mère Naudet pour l’usage, à certaines conditions, du domaine de Sainte Thérèse. D’après Marani, les conditions n’avaient pas été respectées ; il présentait donc sa plainte à Mgr Riccabona en vue de reprendre ce lieu, alors que les Sœurs n’étaient pas d’accord. Cette pénible histoire dura des années sans qu’on trouvât une solution, car ni Mgr Riccabona n’était d’accord, ni son successeur, Mgr Louis de Canossa. L’affaire fut envoyée à Rome, qui ne donna aucune réponse.
En 1866, lors d’une nouvelle réquisition, les Sœurs de la Sainte Famille laissèrent l’affaire dans les mains du P. Benciolini, le vrai héritier de tout, qui lutta pendant encore sept années avec le Domaine Royal pour que le lieu pieux de Sainte Thérèse lui soit restitué ; ce qui fut fait en 1873, deux ans après la mort du P. Marani. En réalité l’Institut des Pères Stigmatins n’était pas encore reconnu officiellement pour le Saint Siège, « grâce à la négligence du P. Marani », qui n’avait toujours pas apporté les Corrections aux Constitutions pour leur approbation, demandées par le P. Perrone. Les biens légués par le Fondateur au P. Benciolini étaient encore sa propriété personnelle, qui put ainsi se les faire restituer par le Domaine Royal.
2. Fondation de la maison de Villazzano et Lettres de Bertoni
A cause de toutes ces guerres, le P. Marani cherchait une maison pour la formation de nos étudiants, mais hors du territoire de l’Italie. Puisque Trente était encore territoire de l’Autriche, Mgr Riccabona offrit pour un certain temps sa maison de Villazzano, dans la province de Trente. Ainsi en 1866, le P. Marani accompagna le premier groupe d’étudiants, qui fut suivi peu après parle deuxième et le troisième.
La même année Vérone et la Vénétie tombaient dans les mains du Règne d’Italie, qui s’empressait de réquisitionner les couvents. C’est à cause de cela que le P. Marani s’empressa de brûler les Lettres de Bertoni au P. Bragato, qui de Vienne les avait rapportées à Vérone : ainsi nous avons perdu un trésor spirituel du P. Fondateur.
Toute relation avec la Cour Impériale d’Autriche était alors considérée par le Règne d’Italie comme un acte de trahison. La perquisition eut lieu effectivement peu de temps après, le 15 octobre 1866.
3. Le 27 Août 1967, nouvelle suppression des Instituts religieux
avec la confiscation de leurs biens.
Le P. Marani, qui était particulièrement visé par le Domaine, quitta la maison des Stigmates pour se cacher chez sa nièce, qui était veuve et habitait dans la maison Massalongo, pas loin de l’église de Ste Marie in Organis ; le P. Giuseppe Sembianti et le Frère Luigi Ferrari allèrent y habiter avec lui.
Par chance on n’osa pas soustraire au culte l’église des Stigmates, où habitaient quatre Pères et trois Frères, ainsi que l’église des Derelitti, où se réfugièrent deux Pères et deux Frères. Dans la maison du P. Marchesini, pas loin de la ville, habitèrent le propriétaire avec un confrère Prêtre, deux étudiants de théologie et deux Frères.
4. Dernières souffrances et mort du P. Marani
Le P. Marani, à 79 ans, était très fatigué, mais il a pu rendre visite pour une dernière fois à la maison des profès à Villazzano. La prise de Rome par l’Etat Italien en 1870 et la fuite du Pape à Gaeta ne firent qu’aggraver, par l’amertume, le pénible et long parcours de la vie de Marani. Muni du réconfort de la Sainte Onction il s’endormit dans les mains de Dieu le 1er juillet 1871, à l’âge de 81 ans.
L’anticléricalisme du moment et le Domaine qui persécutait toujours la Congrégation, pas encore née officiellement, et gardait encore ses biens, ne permirent pas de faire de grandes funérailles pour le successeur du P. Fondateur, qui a été durant tout sa vie le digne fils du vénéré P. Gaspard Bertoni.
Son souvenir restera toujours gravé dans la mémoire des Stigmatins comme celui qui répétait et pratiquait cette devise : « Courage, courage et parati ad omnia ».
Conclusion
En guise de conclusion, nous rappelons ce que le P. Marani a écrit dans le Compendium (1854) :
« Celui qui donne son nom à cette Congrégation, qu’il garde toujours devant ses yeux la Bienheureuse Vierge Marie et Saint Joseph. Qu’il apprenne d’eux surtout : l’amour de la pauvreté, l’attachement à la prière et à la méditation, la prompte obéissance, même dans les choses difficiles et contraires à la nature humaine, l’amour de Dieu, dont il recherche uniquement la gloire, et l’amour du prochain, dont il s’efforcera de procurer son bien spirituel même aux dépens de sa propre vie ».
Nécrologie
Naissance : le 5 mai 1790
Ordination sacerdotale : le 4 juin 1814
Entrée aux Stigmates : le 4 novembre 1916
Supérieur Général : 1853-1871
Mort : le 1er juillet 1871
Age : 81 ans
(Résumé et traduction du P. Flavio Ferrari)
