JEAN-BAPTISTE LENOTTI (prêtre)
La vie de nos premiers Pères qui ont vécu avec St Gaspard Bertoni
P. JEAN-BAPTISTE LENOTTI
(1817-1875)
Bref aperçu de sa vie
Entre 1831 et 1832 le jeune Jean-Baptiste Lenotti commence à connaître l’Abbé Gaspard ; un jour il recueillera ses « Souvenirs » personnels et les diverses nouvelles sur son saint maître dans un Recueil, qui constituera la première source pour la rédaction de la biographie de Bertoni.
Le P. Stofella écrit : « Que celui qui veuille voir le modèle parfait du Prêtre des Sacrés Stigmates formé directement par le P. Fondateur, regarde le P. Jean-Baptiste Lenotti, dans sa personne et dans sa vie. Lenotti a vécu exactement 58 ans, puisqu’il est né le 5 septembre 1817 et il est mort le 5 septembre 1875, à la même heure, 14.30. De ces 58 ans, 48 et plus il les passés dans le cadre des Stigmates, et 41 comme membre de la même Communauté ».
Enfant et adolescent il a fréquenté l’église, l’oratoire et les écoles des Stigmates. A 16 ans il est devenu aspirant stigmatin en tant qu’élève, puis profès, prêtre et enfin Missionnaire Apostolique. Il a reçu la charge de Maître des Novices, puis de Directeur des études des profès. Après la mort du P. Marani, il lui a succédé d’abord comme Supérieur Général provisoire et puis définitif, de la jeune Congrégation des Stigmatins. On peut rappeler que l’Evêque de Vérone, le Cardinal De Canossa, l’a proposé au Saint Siège comme candidat à la charge épiscopal de Parme.
Chapitre I
1. Naissance
Lenotti est né à Vérone, dans la paroisse de Saint Luc, le 5 septembre 1817. Ses parents, Antonio (pharmacien) et Ancilla (ou Cecilia) Cabianca, étaient assez nantis et surtout de très bons chrétiens. Le même jour de la naissance le petit Jean-Baptiste a reçu le baptême. Son père était régulier aux Stigmates, une petite église proche de la paroisse de St Luc, et il avait comme confesseur l’Abbé Gramego. Jean-Baptiste a été l’aîné de deux frères et trois sœurs.
2. Enfance et adolescence aux Ecoles des Stigmates
Le petit Jean-Baptiste a appris à lire et à écrire à la maison par son père et par ses oncles, l’Abbé Enrico et M. Paolo, qui était aussi pharmacien. Lorsqu’il a été inscrit à l’école des Stigmates, on l’a mis aussitôt en classe de troisième du cycle primaire. L’enfant était très intelligent et il a franchi facilement les étapes de Grammaire, de Gymnase et d’Humanité, ayant presque toujours l’appréciation d’« excellent élève ».
Depuis l’âge de sept ans il a fait partie de l’Oratoire de Marie des Stigmates. Le jeune Jean-Baptiste était aussi excellent dans sa vie spirituelle, promu membre de la Congrégation de Marie (1832).
A l’âge de 14 ans Jean-Baptiste a connu la douloureuse tragédie de la mort de son père. L’oncle Francesco a pris alors en charge la famille avec la mère Ancilla. L’oncle Francesco mourra une douzaine d’années après. Nous savons qu’après la mort de son oncle, en 1844 l’Abbé Jean-Baptiste a choisi comme procureur spécial pour tous ses biens son autre oncle, le pharmacien Paolo Lenotti.
Jean-Baptiste en 1831-1832 a commencé les cours d’Humanité.
Nous ignorons les dates de sa 1ère Communion et de sa Confirmation. Lors de sa 1ère Communion, Jean-Baptiste manifesta sa joie par une composition poétique, où il a pris comme idéal la « 1ère Communion de St Louis de Gonzague ».
3. Vocation religieuse
A l’âge de 17 ans Jean-Baptiste (1834), tout en poursuivant ses études – comme relatent ses « Souvenirs personnels » - « admirant de plus en plus le zèle de ses bons maîtres et leur vie exemplaire…, a désiré se consacrer lui aussi à la vie religieuse ». Il en a parlé à son père spirituel, le P. Jean-Marie Marani, qui quelque temps après l’a présenté au P. Gaspard, qui, le connaissant déjà, l’accueillit avec joie.
1. Religieux et grand-séminariste
Le 8 mai 1834, un mois seulement après son entrée au couvent, avec la permission de l’Evêque, Jean-Baptiste prenait l’habit religieux. En septembre de la même année, Lenotti a reçu la tonsure et les deux premiers Ordres mineurs et, l’année suivante, les deux autres Ordres mineurs.
Nous sommes quand-même choqués de l’empressement avec lequel il a franchi toutes ces étapes dans un si bref délai !
Le P. Gaspard assurait lui-même la formation de Lenotti, comme de peu d’autres aspirants, qui entraient goutte à goutte. Lenotti a suivi les cours de Philosophie et Théologie de 1835 à 1841 au Grand-Séminaire de Vérone. Une fois à la maison, l’Abbé Jean-Baptiste, outre les études indiquées par les professeurs du Séminaire, faisait des études complémentaires indiquées par le P. Gaspard, qui étaient très astreignants. Après la mort du P. Fondateur, Lenotti, mettra par écrit la « Méthode des études » pour ses grands-séminaristes, d’après sa propre expérience avec le saint Maître et Professeur Bertoni.
Voici ce qu’il a écrit sur son programme des études avec le P. Gaspard :
D’abord, le Père voulait que, la veille, on lise déjà les leçons que les professeurs allaient expliquer le lendemain. Ensuite, une fois achevés les devoirs de l’école, Bertoni ajoutait beaucoup d’autres études complémentaires. Voici ce qu’écrit l’Abbé Lenotti :
a) « Il m’a fait lire toute la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testament, en italien, une première fois, puis une deuxième fois avec les notes de Tirino ; ensuite une troisième fois avec les commentaires de Mariana et Emmanuele Sa : c’étaient trente minutes par jour durant les six années. De même, pendant dix minutes par jour, nous faisions du grec, de l’hébreu, du français et de l’italien correct (de la Toscane).
Un autre exercice était un effort de mémoire et de parler le vrai italien. On lisait quelques phrases d’un livre, qu’on fermait ensuite, et on écrivait ce qu’on se rappelait ; enfin on le comparaît avec ce qui était dans le livre. Bertoni tenait beaucoup à cet exercice pour bien apprendre le vrai italien.
b) Pendant l’année scolaire et les vacances, il m’a fait apprendre les rubriques du Bréviaire et du Missel.
c) Il m’a fait ensuite apprendre les Institutions Canoniques de Devoti (en 4 volumes, surtout du N. 1744 à 1820) et les lui exposer.
d) Il m’a fait lire la Vie et toutes les œuvres de St Grégoire le Grand (4 vol.) ; ensuite les Œuvres de St Jérôme, que j’ai continué à lire après l’ordination sacerdotale.
e) Il m’a fait lire les trois tomes de la Théologie Morale de St Alphonse de Liguori, une première fois, puis une deuxième fois avec le commentaire d’Antoine. Il m’a fait étudier la Dogmatique de Pétavius et ses propres notes de Théologie Dogmatique.
f) Avec les autres, on a lu des œuvres sur l’hérésie de Jansénius et de Rosmini.
g) J’ai étudié avec diligence le livre du P. Serra sur l’Eloquence sacrée.
On lisait aussi à table, pendant les repas, la revue « La Civiltà Cattolica » (La Civilisation Catholique) et bien d’autres auteurs récents.
D’autres activités étaient : le Chant Grégorien et l’entraînement chaque jour avec le Père lui-même de la lecture du grec avec la traduction et la lecture de l’hébreu. Comme j’aimais dessiner, il m’a fait cultiver ce don-là.
De tout ce qui nous intéressait davantage à propos de notre futur ministère, le Père voulait qu’on en prenne des notes, pour ne pas l’oublier. Il m’a fait apprendre quelques notions d’agriculture et de l’oliveraie ».
Je faisais aussi la lecture spirituelle chaque jour, en lisant la vie d’un Saint. »
« Il faut dire que pendant plus de deux années j’ai été malade, incapable de faire quoi que ce soit. Vers la fin de la théologie, peu à peu j’ai dû diminuer les études pour me préparer et enseigner aussi la Doctrine chrétienne (le Catéchisme), que le Père m’avait demandé ».
D’après le témoignage de l’Abbé Lenotti, le P. Gaspard voulait que ses étudiants soient très bien formés surtout dans les études sacrées, car – disait-il – « la science est la deuxième arme du prêtre ». Prière, étude, action, tout se passait en parfaite harmonie. L’esprit de collaboration se réalisait en toute chose.
Remarques. Comme nous l’avons dit plus haut, ce curriculum d’études est impressionnant pour l’étendue, la variété et le sérieux que Bertoni exigeait de ses jeunes séminaristes ; cela constituait la formation intellectuelle, à laquelle s’ajoutait naturellement la formation à la vie religieuse !
Dans son journal intime Lenotti écrivait : « Que toutes tes actions soient faites non par habitude, mais toujours avec ferveur et diligence, si bien que l’étude et tout le reste soient toujours accomplis pour l’amour et la gloire de Dieu, dans une continuelle action de grâce ».
2. Les « Souvenirs personnels » de Lenotti
D’après le conseil du P. Gaspard, l’Abbé Jean-Baptiste prend beaucoup de notes dans ces « Souvenirs spirituels », qu’il appelle aussi « Les petites lettres de Dieu ». Il copie, par exemple, une longue lettre d’un missionnaire jésuite en Arabie, qui va un jour lui servir dans les Retraites au Clergé. Selon l’esprit ignacien du Fondateur, il copie assez de textes de St Ignace ou de ses fils spirituels, surtout Rodriguez, Da Ponte et Bartoli. Il exploite assez les Pieux Souvenirs Journaliers de religieux de la Compagnie de Jésus du P. Patrignani. Des extraits sont pris de l’Imitation Du Christ, un classique de la spiritualité ; d’autres beaux textes sont de Liguori sur les « Gloire de Marie ». Il tire beaucoup de textes des « Annales de la Propagation de la Foi », qui donnent des nouvelles de toutes les parties du monde.
A souligner le carnet sur sa « Méthode de vie », fruit de ses réflexions et prières en particulier faites pendantes ses Retraites. Il commence par l’invocation « Jésus, Marie, Joseph ». Il demande un humble, total et confiant abandon à Dieu. Il organise ensuite sa journée, depuis le réveil : prière, étude, vivre toujours à la présence de Dieu ; recherche de la dernière place, pratique de l’humilité par l’acceptation des humiliations ; respect et vénération envers le P. Gaspard…
Chapitre III
Sous-diaconat, Diaconat, Presbytérat
1. Sous-diaconat, Diaconat et Presbytérat
Après une semaine de Retraite spirituelle, Lenotti, le 18 septembre 1841, a reçu le Sous-diaconat par Mgr Pietro Aurelio Mutti, qui l’ordonne Diacre le 18 décembre 1841. Entre le diaconat et le presbytérat, l’Abbé Lenotti a perdu le grand frère tant admiré, le P. Luigi Biadego (dont il va écrire une brève biographie) et le petit frère, qui était en deuxième année de théologie, l’Abbé Luigi Ferrari. Ces morts l’ont beaucoup touché et poussé à devenir lui aussi une âme entièrement consacré au Seigneur, tout abandonné à faire sa volonté.
Sa dévotion au Sacré-Cœur de Jésus a commencé à se développer à cette époque, avec celle pour les Saints Epoux Marie et Joseph.
Le 12 mars 1842, Jean-Baptiste est ordonné prêtre, spirituellement soutenu par les bienheureuses âmes de Biadego e Ferrari. Le jour suivant le nouveau prêtre célébra sa Messe d’action de grâce dans l’église des Stigmates, entouré par ses confrères, parents et connaissances et par beaucoup de jeunes de l’Oratoire.
Malheureusement, peu de temps après, Lenotti est tombé aussi malade pendant presque une année. Le médecin qui le soignait, lui avait conseillé, après un mois, d’aller se reposer dans le village de son père, à Bardolino, au bond du lac de Garda, où le climat était meilleur. L’Abbé Jean-Baptiste soumit la chose au P. Gaspard, qui mit à l’épreuve son esprit d’abandon dans les mains de Dieu, en lui disant : « Pour y aller, il n’y a pas de problème, mais pour revenir aux Stigmates, ce ne sera plus possible ». A ces paroles l’Abbé Jean-Baptiste rassura le Père Gaspard qu’il aurait volontiers sacrifié sa vie plutôt que sa vocation et qu’il n’aurait plus pensé à ce conseil du médecin ; c’est aux Stigmates et pas ailleurs, qu’il aurait attendu les dispositions de la divine Providence sur lui ».
Il plut à Dieu de le garder en vie, en récompensant ainsi son grand esprit de foi et d’abandon à sa volonté. Lenotti, une fois rétabli, remercia beaucoup le Seigneur et ses saints protecteurs Marie et Joseph.
Avant de commencer à prêcher, l’Abbé Jean-Baptiste passa son examen de la Théologie Morale avec le P. Gaspard, pour obtenir, le 8 juin 1846, une première autorisation de six mois de confesser les hommes, puis une deuxième de huit mois, et encore une troisième d’un an. En 1854, alors qu’il avait 37 ans, l’Evêque de Vérone, Mgr Riccabona, lui conféra l’autorisation de confesser aussi les femmes.
2. Ministères du nouveau prêtre
Le 30 octobre 1846, le P. Jean-Baptiste remplaça le P. Fedelini dans l’animation de la prière du vendredi en l’honneur de la Passion du Seigneur, en continuant l’explication du livre de l’Ecclésiastique (ou Ben Sirac le Sage chap. 50,9). Avant cela, il avait prêché seulement aux jeunes de l’Oratoire.
Voici ce que le P. Gaspard lui a recommandé avant de prêcher :
1. « Avant de prêcher, rester assez longtemps recueilli en prière, sans étudier.
2. En prêchant penser qu’on fait cela devant Dieu qui nous écoute, sans se soucier de la foule.
3. Après le sermon, se reposer en chambre en pensant à ce qu’on a dit aux fidèles, pour le mettre en pratique, en pensant que le Seigneur nous jugera sur cela ».
Dans un des premiers sermons du vendredi, l’Abbé Jean-Baptiste rappelait aux fidèles les devoirs de la reconnaissance et du respect envers les prêtres et il ajoutait : « Vous aussi, bien que vous ne soyez pas des prêtres et que ne puissiez pas vous approcher de l’autel pour offrir l’encens, etc., toutefois vous pouvez par l’encensoir de votre cœur vous présenter devant le Seigneur avec le feu de l’amour pour y mettre dessus l’encens de votre prière, que le Seigneur va très bien agréer. En effet, d’après le plan de Dieu, vous avez été créés à son image et ressemblance, et vous avez été appelés vous aussi à devenir saints et parfaits par la grâce du baptême ; il vous suffit alors de bien faire les devoirs de votre état et par là nous deviendrons tous des saints… ».
Après environ 200 sermons sur l’Ecclésiastique (ou Siracide), Lenotti en fit autant sur l’Ecclésiaste (ou Qôhèlet) ; il poursuivit ensuite par l’explication des livres sapientiaux de la Sagesse et des Proverbes.
Le P. Lenotti était timide et avait peur surtout de parler aux prêtres, de les confesser ou de les diriger spirituellement : « Tu le feras par obéissance, sûr d’accomplir ainsi la volonté de Dieu » - lui dit le Père Bertoni. Avec toutes les études qu’il avait faites et qu’il continuait de faire, Lenotti était très bien préparé pour cette tâche assez difficile. D’ailleurs nous le constatons par ses nombreux écrits de sermons et de retraites qu’il nous a laissés.
Un petit rappel de la grande histoire. Le 9 novembre 1846, le nouveau Pape Pie IX écrivait sa première Encyclique « Qui plurimis », dans laquelle il dénonçait les erreurs et les maladies du siècle, il condamnait les sociétés secrètes, il conseillait la prudence avant d’imposer les mains aux candidats au sacerdoce. Il recommandait pour la formation des séminaristes la prière, les retraites spirituelles et la discipline, avec de bonnes bases de vie spirituelle.
Les bouleversements passés et les dangereuses idées du temps menaçaient encore la vie religieuse des prêtres, qui étaient aussi visés par une venimeuse lutte anticléricale.
3. Quelques résolutions spirituelles
Le P. Lenotti nous a laissé des notes personnelles spirituelles, sous forme de résolutions qu’il prenait surtout à l’occasion des retraites qu’il faisait. Voici quelques-unes.
« Je m’efforcerai de renier à ma volonté et surtout de combattre mon amour propre, en fuyant les occasions de me montrer. Je supporterai avec patience, par l’amour de Jésus, les faiblesses et maladies de mon corps. Je n’exigerais de la part de Jésus ni consolation ni récompense, mais plutôt sa miséricorde, sa grâce et la gloire de le suivre, de le servir et de l’aimer ».
Les Souvenirs rapportent que Lenotti n’avait pas une très bonne santé, mais à ce propos il écrivait : « Si tu crains pour ta santé, ne t’occupe pas de tout petit problème qui t’arrive, en pensant que si Jésus s’était soucié de sa santé, de sa faim, de sa soif ou d’autres problèmes de la vie, il n’aurait pas beaucoup prêché comme il a fait et ne serait pas mort pour le salut des hommes ».
4. Les Ecoles et l’Oratoire
En 1842-1843 les Jésuites ont rouvert deux classes de gymnase à St Sébastien. Bertoni qui avait une grande estime pour leur enseignement, ne fut pas contrarié, au contraire il leur envoya plusieurs de ses élèves, et pour l’année 1843-1844, après 27 ans d’activité, il ferma les écoles des Stigmates, d’autant plus que ses confrères enseignants étaient devenus moins nombreux.
Le P. Lenotti, après avoir collaboré avec le P. Fedelini, qui était de plus en plus malade, prit entièrement la direction de l’Oratoire de Marie, qui ne jouissait plus du succès d’autrefois, par manque de jeunes, qui ne s’y inscrivaient presque plus. Il y eu ensuite le chamboulement révolutionnaire de 1848, qui obligea les Pères à fermer, au moins pour un certain temps, l’Oratoire.
Après quelques années, il y eut une reprise des activités, grâce aussi au P. Marani qui avait fait réimprimer les Règles des Congrégations et Oratoires de Marie. Mgr Liruti encouragea cette activité, car il disait : « Lorsque je fais des visites pastorales dans le diocèse, je m’aperçois tout de suite si dans une paroisse il y a l’Oratoire ou pas, car avec l’Oratoire l’état des âmes est bien meilleur ».
5. La catéchèse de la Quatrième classe
Depuis que Lenotti était proche de la fin de ses études de théologie, Bertoni lui demanda d’animer la « Doctrine » : il s’agissait en fait de la Catéchèse de la Quatrième classe, que les Pères faisaient le dimanche après-midi dans diverses paroisses de la ville. La caractéristique de cette catéchèse était le fait qu’elle était enseigné pendant l’été et en patois, pour les petites gens qui ne comprenaient pas bien l’italien.
Le P. Gaspard tenait beaucoup à cette catéchèse en patois de Vérone, qui avait beaucoup de succès populaire. Les Pères s’entraînaient pour cela sur le Catéchisme de Bellarmin.
6. L’amour des Saints Epoux
Nos premiers Pères aimaient beaucoup les Saints Epoux. Voici un enseignement donné par le P. Lenotti aux fidèles en préparation de leur fête du 23 janvier.
« Marie et Joseph, des modèles dans toute leur vie.
Puisque nous approchons de la fête des Epousailles de la Vierge Marie avec Saint Joseph, examinons un peu la conduite de Dieu envers eux et leur conduite envers Dieu. Comment les Saints Epoux vivaient-ils ? Ils avaient une pauvre maison, des pauvres ustensiles, des pauvres habits ; avec cela ils ont souffert aussi de la persécution et d’un très pénible voyage (pour sauver l’enfant) : voilà ce qu’ont eu en partage ces deux plus saintes personnes qu’aient eues le ciel et la terre.
Je vous répète donc que ce sont là les vrais biens qui rendent parfait et heureux l’homme : la fuite du vice et la possession de la vertu, car tout le reste n’est que vanité de vanités. (Cf. Qôhèlet, que le P. Lenotti expliquait aux fidèles du vendredi en ce temps-là.)
Mais ce qui remplissait leur vie de joie était la compagnie permanente de leur unique Fils, le très doux Jésus. Vous voyez ainsi que tout le bonheur de Marie et Joseph est avoir Jésus, l’avoir entièrement pour eux. Si à Bethléem ils sont logés dans une grotte, ils sont quand-même heureux, car ils volent le nouveau-né dans leurs bras. S’ils sont persécutés par Hérode et contraints de fuir en Egypte, ils sont quand-même heureux car ils portent avec eux leur bien-aimé Jésus… Si par la suite ils transpirent pour leurs travaux à Nazareth, ils sont toujours très heureux… Par contre ils sont très tristes lorsqu’ils perdent leur bien-aimé Jésus… »
Le 4 février 1848, au début des grands troubles révolutionnaires, Lenotti, dans son sermon du vendredi, dit des paroles fortes sur ce qui se passait dans les rues. « La jeunesse dissolue court à toute bride sur le chemin du vice ; la malhonnêteté, le libertinage, l’injustice et le blasphème débordent dans les contrées. Ce qui est pire, la religion et le manque de foi se répendent chez tout genre de personnes ! … »
A côté, d’après le conseil de Bertoni, Lenotti écrivit : « Il n’est pas opportun de parler ainsi ».
Des manifestations patriotiques commençaient à se manifester à Milan, Venise et Padoue et le P. Lenotti, sur l’ordre toujours du P. Gaspard, en mars va interrompre ses sermons pendant toute l’année.
Il ferme également toute manifestation dominicale avec les jeunes de l’Oratoire de Marie.
Chapitre IV
Après la mort du P. Gaspard
1. Un souvenir constant
En octobre 1851, Lenotti expliquait, chaque vendredi, le livre de la Sagesse, après avoir fini celui de l’Ecclésiaste (ou Qôhèlet), pour le finir en 1856, trois ans après la mort du P. Gaspard, pour un total de 220 sermons. « J'étais un enfant d'un bon naturel, et j'avais reçu en partage une bonne âme » (Sg 8,19) : le P. Lenotti appliqua spontanément ce verset au P. Gaspard, son Père et Maître, dans une belle commémoraison de sa sainte mort.
2. Comment redonner vie à la Congrégation
Après la mort du Fondateur, le petit groupe des Pères et Frères sentit le besoin d’un nouvel élan pour pouvoir continuer son œuvre, car elle était vraiment inspirée par Dieu. Pour cela, il fallait chercher son approbation de la part du Pape, ce que le P. Fondateur n’avait pas faite, par humilité probablement. Le P. Marani commença par publier un Aperçu biographique du P. Gaspard, suivi d’une abondante documentation, grâce à la précieuse collaboration des Pères Lenotti et Benciolini : ces deux documents, dont l’importante « Relation Marani » sur l’état de l’Institut, reçurent à la Curie romaine le nom technique de « Positiones », qui étaient nécessaires pour les pratiques à faire auprès du Pape et de l’Empereur en vue de l’approbation de l’Institut.
On confia ensuite au P. Lenotti d’écrire la Chronique de l’Institut, jusqu’en mai 1871.
Le 23 avril 1855, le nouvel Evêque de Vérone, Mgr Benedetto Riccabona, qui avait plaidé la cause des Pères Stigmatins, envoya de Rome le « Décret de Louange » de la part du Siège Apostolique et quelques mois après arriva aussi le Décret d’Approbation du Ministère Impérial de Vienne.
« Que Dieu soit loué avec les Saints Epoux ! »
3. Pour une biographie du P. Gaspard
Pour bien garder le souvenir du Père, il fallait écrire sa biographie. Les Pères Lenotti et Benciolini s’y attelèrent, en écrivant à tout de rôle tout ce dont ils se rappelaient, en recueillant aussi les témoignages des uns et des autres, dans la maison et au dehors.
A la fin du travail des deux, le P. Lenotti le reprit en main, pour le partager en chapitres et le mettre en ordre ; le fruit de cela prit le nom de recueil ou « Miscellanea-Lenotti », qui fut prêt un an après la mort du Fondateur (toutefois dans le Summarium Additionale, ce recueil reprit le nom plus juste de « Miscellanea Benciolini-Lenotti »).
Ce texte et celui que l’Abbé Gaetano Giacobbe préparait pour son compte – et qui a été ensuite imprimé comme l’œuvre de l’Abbé Giacobbe -, ont constitué la base pour la Cause du Serviteur de Dieu Gaspard Bertoni.
4. Missions au peuple et Retraites spirituelles
En 1850 les troubles n’étaient pas tout à fait apaisés, si bien que le Jubilé fut déplacé avec l’Indulgence Plénière à l’année suivante, où le P. Lenotti tint ses trois premiers sermons et Instructions en ville, sur le style des Missions qui reprenaient vie, étant désormais permises par l’autorité autrichienne.
En 1853 Lenotti tint une Retraite spirituelle au peuple de Saint Luc, sa paroisse d’origine.
En 1854, il donne des Instructions pour la Retraite spirituelle des grands-séminaristes qui s’apprêtaient à recevoir les Ordres Sacrés.
Il reprit la prédication des Récollections mensuelles aux Acolytes, que faisait autrefois le P. Gaspard.
De novembre 1854 à février 1855, le P. Lenotti, en vrai Missionnaire donne des Retraites spirituelles au peuple dans certaines paroisses de la ville (St Etienne, Ste Anastasie, Ste Trinité, St Georges).
Lors du choléra de 1855, le P. Lenotti prêcha un triduum à la Cathédrale et un autre à St Ferme Majeur. Hors de la ville, il prêta son assistance spirituelle et prêcha un triduum à Peschiera.
Il a prêché plusieurs fois les Retraites spirituelles au clergé non seulement à Vérone, mais aussi à Treviso, Belluno, Padova, Cremona, Vicenza, Trento, Udine et partout il avait la renommée d’un prêtre saint et instruit.
5. Maître des Novices
1855 : après l’Erection solennelle et publique de notre Institut par Mgr Riccabona et le choix du P. Marani comme Supérieur Général de la petite Congrégation, le P. Lenotti reçut la charge de Maître des Novices. C’était une tâche assez lourde, car il devait former « des Missionnaires Apostoliques en aide aux Evêques selon l’esprit du Père Gaspard Bertoni » des novices tels que l’ancien chanoine Riccardo Da Prato, l’Abbé Ruzzenenti et le revenu Père Carlo Fedelini, les trois étant plus âgés que lui. Petit à petit on voyait avec joie que la Congrégation reprenait vie avec l’arrivée de jeunes étudiants et de frères coadjuteurs.
Le P. Lenotti était bien conscient de la lourde tâche qui était la sienne, car il devait sauvegarder le riche patrimoine de la spiritualité du P. Fondateur et de la tradition cinquantenaire de la Congrégation, tout en préparant des bons religieux, car de cette formation des novices dépendait en grande partie leur vie spirituelle future et la vie aussi de l’Institut. Il va s’efforcer d’être d’abord lui-même un religieux exemplaire, pour devenir ainsi l’instrument dans les mains du seul vrai Maître, le Christ.
Le P. Giovanni de Jésus et Marie fut un Carme déchaussé et un très bon Maître des Novices, qui avait écrit « Les Avertissements au Maître des Novices » ; ce grand formateur est devenu par la suite P. Général des Carmes. Le P. Lenotti le prit donc comme son guide, dont il reprit pour son compte les plus pertinents enseignements pour ses novices, en les adaptant à l’esprit de sa Congrégation.
Voici quelques-uns de ces enseignements :
« 1. Ce qu’il faut surtout au P. Maître est l’humilité. Il la demandera très souvent au Seigneur dans son cœur, mais il fera aussi des actes externes d’humilité à la présence des Novices : par exemple, balayer les chambres des malades, etc. Il accueillera volontiers les idées et conseils surtout des novices plus âgés que lui. Il cherchera à être doux et sage dans ses décisions, pour bien guider ses disciples. Il priera aussi pour eux la Vierge Marie.
2. Que le P. Maître puise la douceur de celle du Christ, pour faire face à toute situation. Que son visage soit serein et joyeux pour attirer à lui ses novices, et qu’ils lui rendent souvent visite pour mieux les connaître et les former.
3. Il aimera chaque novice comme un père et une mère, toujours dans l’amour de Dieu. Il n’aura pas de préférences pour l’un plutôt que pour un autre. Il parlera avec douceur et sous l’inspiration de l’Esprit, même lorsqu’il faut corriger les fautes de l’un ou l’autre. Que le P. Maître fasse toujours la distinction entre la faute et la personne : tout en blâmant la faute, qu’on s’aperçoive qu’il aime toujours la personne. Que le P. Maître évite le ton autoritaire, qui peut sembler hautain, mais qu’il soit au milieu des novices presque comme l’un d’eux.
Lorsqu’il s’aperçoit que ses novices ont besoin d’avoir un peu plus de nourriture, de sommeil ou d’autre chose, il fera aussi quelques exceptions à la discipline de chaque jour. Il aura une attention particulière à la santé et à l’endurance de chacun.
4. Le P. Maître qui ne se fait pas mère, n’arrivera pas amener avec succès ses disciples sur les chemins de la perfection, pour qu’ils ne fassent qu’un avec le Christ. Il faut que les novices aient une pleine confiance dans leur Maître, qu’ils ouvrent facilement leur cœur et leurs difficultés à lui, sans s’enfermer en eux-mêmes.
Tout en donnant toujours le bon exemple, le P. Maître exhortera tous et chacun à vivre une vie vraiment chrétienne et religieuse, selon les Constitutions, en aimant les confrères et l’Institut. »
- Quelques résolutions personnelles du P. Maître Lenotti :
a) Dès le début, le P. Lenotti a pris très au sérieux sa charge de P. Maître, en suivant les conseils du P. Carme Giovanni de Jésus et Marie. Il écrit encore : « Suis Jésus pauvre, affligé, méprisé, indifférent à n’importe quelle place ou grade ou charge, qu’on lui donne. « Je peux tout en celui qui me donne la force ». Lorsque tu as quelque défaut à vaincre, pour te donner du courage et le vaincre avec générosité (en particulier quelque scrupule), pense et dis « Avec cela je plais à Dieu et cela suffit : qu’on le fasse ».
b) Je serai bref dans ma confession et lorsque je confesse quelqu’un. Maîtrise-toi. Fais quelque pénitence pour toute erreur et faute.
c) Ne contredis jamais le P. Préposé (Général).
d) « Avec les Novices sois ferme et doux à la fois : exigeant pour qu’on fasse bien les choses ; qu’ils se renient dans leur cœur ; parle peu. Cherche Dieu seul comme témoin de ta diligence. Que les hommes pensent et disent ce qu’ils veulent ».
Il semble que les critiques ne manquaient pas. C’est partout pareil et toujours la même chose. Mais Dieu est toujours notre témoin.
En 1858 il écrit encore : « Je dois me faire la guerre en trois points : les scrupules, les affections… et mes appréciations différentes de celles du P. Préposé…
Dévotion envers la Sainte Vierge Marie : qu’elle soit solide et profonde pour la transmettre aux Novices ; de même envers St Joseph… »
En 1861, il ajoute : “Soigne la dévotion aux Cinq Saintes Plaies de Notre Seigneur Jésus Christ, en conformité avec la spiritualité stigmatine vécue concrètement ».
Chapitre V
Quelques nouvelles générales et du P. Lenotti
1. Quelques nouvelles de cette période
a) En 1856 ont eu lieu les premières professions religieuses « officielles », c’est-à-dire faites après l’Erection Canonique de l’Institut (1855). C’étaient les Pères Fedelini et Da Prato. (On ne fait pas mention de Frères.)
b) Le 28 février 1857, la veille du mois de Mars de St Joseph, le P. Supérieur Marani voulut déplacer le noviciat dans le couvent de la Sainte Trinité, mais qui a dû être fermé deux ans après, à cause du mauvais état du bâtiment ! Les novices étaient 13 : 4 prêtres, 7 étudiants et 2 laïcs ; 3 autres s’ajoutèrent l’année suivant. En ce temps-là on faisait deux ans de noviciat.
c) En 1861 le P. Marani a rendu visite à Vienne au P. Bragato, qui le présenta à l’ancienne Reine Maria Anna, qui comprenant les problèmes de la Congrégation, donna l’aide nécessaire pour la réfection du couvent du noviciat et pour d’autres travaux. Le retour des novices au couvent de la Sainte Trinité eut lieu en 1863, avec 4 novices étudiants et 4 frères. Il semble bien que dans ce couvent, il y avait aussi quelques profès et quelques aspirants. Le P. Lenotti était secondé par deux autres Pères.
d) Chose curieuse et considérée comme un don du ciel : dans les travaux de réfection du couvent de la Sainte Trinité, on a découvert, cachée dans un gros mur, une statue en pierre de la Vierge Marie, qu’on appela tout de suite la « Madone du Noviciat ». C’était une statue qui datait de 1663 et on n’a jamais su pourquoi on l’avait cachée ainsi. Naturellement on l’a aussitôt vénéré, d’autant plus qu’on lui a attribué, peu de temps après, la grâce d’avoir sauvé de la mort les maçons et d’autres ouvriers, qui étaient tombés par accident du haut de l’échafaudage de la construction.
e) En 1865, le Supérieur Général, le P. Marani, choisit comme Maître des Novices le P. Da Prato et comme Directeur ou Préfet des Etudes le P. Lenotti.
f) Comme les troupes du Piémont, aidées par les armées françaises, occupaient peu à peu l’Italie, du Nord au Sud, et avaient un esprit anticlérical, le P. Supérieur Marani et les Pères Lenotti et Da Prato déplacèrent nos jeunes en formation à Villazzano, en province de Trente (qui était encore sous l’Autriche) dans la villa que Mgr Riccabona leur offrit très gentiment (1866).
2. Le figure du P. Lenotti dans les souvenirs des Novices
Dans l’esprit et le cœur de ses Novices, le P. Lenotti est resté toujours le modèle du religieux parfait, un vrai fils de Bertoni, un très bon serviteur de Dieu. Voici le témoignage du P. Zara, que Lenotti avait formé depuis son enfance jusqu’au sacerdoce : « Le P. Lenotti était admirable pour son humilité, douceur, mortification, et encore pour son union avec Dieu et pour son zèle pour le salut de âmes. Il dépendait en tout et pour tout du P. Supérieur Marani, prêt à aller partout, à tout faire et toujours dans la joie. Il était très pieux dans la célébration de la Messe, dans la prière du Bréviaire et dans toute prière communautaire ou personnelle ».
Il aimait beaucoup la Vierge Marie, en particulier ses sept Douleurs, Saint Joseph et bien davantage le Sacré-Cœur de Jésus. Il fut le promoteur de cette dévotion du Sacré-Cœur dans la ville de Vérone et dans les nombreuses Missions au peuple qu’il a animées. En 1873, en sa qualité de Supérieur Général, il a institué cette dévotion dans l’église des Stigmates, qui devait être solennellement célébrée chaque année au mois de juin.
Rattaché à cette dévotion, Lenotti est devenu, sous l’impulsion du P. Barnabite Maresca, promoteur de l’Apostolat de la prière.
3. Attachement à l’Eglise et au Pape
« Il nous faisait toujours prier la Sainte Eglise et pour le Pape, qui était persécuté par les impies. Il lisait les Annales de la Propagation de la Foi. Il aimait aussi la Congrégation et il veillait à ce qu’on gardât les règles et les coutumes de nos Pères. Pendant de longues années il a expliqué les Règles de notre Fondateur. Il voulait que les jeunes fussent élevés dans le vrai esprit de Bertoni ; souvent il nous racontait des histoires édifiantes de Lui et de ses compagnons ».
4. Lenotti est choisi comme nouveau Supérieur Général
En 1871, après la mort du P. Marani, c’est le P. Jean-Baptiste Lenotti qui a été choisi comme son successeur à la tête de la petite Congrégation des Stigmatins. Le P. Lenotti connaissait très bien les Constitutions du Fondateur, mais il avait constaté qu’elles ne traitaient pas de certains problèmes concrets de la vie. Il a ainsi ajouté aux Constitutions, grâce à son autorité de P. Général, des Règles (nous disons aujourd’hui un Directoire général) en s’inspirant de celles de la Compagnie de Jésus –comme avait déjà suggéré le Fondateur lui-même.
1871, on a commencé à réunir la 1ère Congrégation Générale (ou Chapitre Général) pour le choix des Conseillers, dont le plus important était un « Conseiller-Modérateur » pour aider le P. Général dans l’exercice de son autorité, qui était « à vie », d’après les Constitutions du Fondateur, mais qu’un mois après a été réduit par le 3e Chapitre Général à cinq ans.
On a choisi aussi la Commission pour la révision des Constitutions, concernant surtout la Partie XIIe des Constitutions sur le « Régime » ou gouvernement de la Congrégation.
Le nouveau Supérieur Général promulgua le Décret d’exécution immédiate des Règles Communes, faite par lui et approuvées par la 1ère Congrégation (ou 1er Chapitre) Générale. Le P. Lenotti révélait déjà l’âme de son gouvernement, à savoir : la vigilance et le zèle pour qu’on garda la régulière discipline conformément aux Règles et coutumes de nos premiers Pères avec le P. Fondateur.
Par le Décret du 24 octobre 1871, le P. Lenotti attribua à 7 Pères le Grade ou Titre de Missionnaire Apostolique, dont voici les noms : Benciolini, Riccardo Da Prato, Marco Bassi, Vincenzo Vignola, Giovanni Rigoni, Pietro Vignola, Francesco Sogaro. Un mois après il attribua ce même Titre au P. Luigi Bragato, malgré son ministère particulier, comme signe de reconnaissance pour son attachement et soutien à la Congrégation.
5. Déplacement de nos étudiants à Povo
Le 27 avril 1872 l’Evêque de Trente, Mgr Riccabona, tomba à l’improviste gravement malade et il avait besoin de se retirer dans sa villa de Villazzano, où étaient encore logés, depuis six ans, nos étudiants, qui se dépêchèrent de la libérer. On prit en bail une maison pour eux à Salé di Povo, où ils s’installèrent et purent fêter, l’année suivante (1873), avec tous les Pères et Frères de la Congrégation, la victoire du P. Benciolini sur le Domaine Royal, qui restitua finalement nos biens immobiliers, après sept années de litige. Le 6 juin 1873 on célébra une grand’messe d’action de grâce.
Ce même jour le P. Lenotti procéda à la consécration solennelle de la Congrégation au Sacré-Cœur de Jésus. L’Institut s’engagea à promouvoir parmi les fidèles la dévotion très bénéfique au Sacré-Cœur de Jésus. Cette fête du Sacré-Cœur fut célébrée à Vérone le dimanche après l’octave du « Corps du Seigneur » en 1873 par Mgr De Canossa.
Avec les biens repris au Domaine on put faire les travaux de réparation du couvent de la Sainte Trinité, qui devint alors la maison de tous nos étudiants ; on abandonna ainsi la maison provisoire de Povo (1874).
NB. A propos du couvent de la Sainte Thérèse, le P. Lenotti et ses conseillers décidèrent d’en reprendre aussi l’usufruit, qui était auparavant alloué aux Sœurs de la Sainte Famille.
Chapitre VI
Le P. Lenotti de plus en plus malade
1. Missions au peuple et « ad gentes »
Les problèmes de gastro-entérite devenaient de plus en plus graves chez le P. Lenotti, avec des crises de fortes douleurs à la tête. Malgré cela, jusqu’en 1875, l’année de sa mort, le courageux et héroïque Père donnait encore soit des Missions au peuple, soit des Retraites spirituelles. Ainsi, il prêcha la Retraite aux Grands-Séminaristes de Vicence. Depuis 1872, par la volonté de l’Evêque, il était Examinateur officiel de la vocation des candidats au Sacerdoce, comme déjà avant lui les Pères Bertoni et Marani.
Lenotti cherchait les voies et moyens pour réaliser l’idéal proposé par le P. Fondateur pour les Missionnaires Apostoliques : « Aller évangéliser partout, dans le Diocèse et dans le Monde ». Pour cela – ajoutait le P. Lenotti – « il faut avoir un cœur aussi grand que le monde ».
Depuis plusieurs années Vérone était devenue le berceau des premiers Missionnaires de l’Afrique avec d’abord le P. Vinco Angelo, disciple de l’Abbé Mazza, et ensuite du futur Mgr Comboni Daniele, apôtre du Soudan avec d’autres Missionnaires, parmi lesquels quelques anciens « stigmatins ».
Le P. Sogaro Francesco avait exprimé depuis longtemps son désir de partir lui aussi pour l’Afrique, mais le P. Marani ne l’avait pas satisfait, car il ne voulait se séparer de lui.
Le nouveau P. Général, Lenotti, estimait lui aussi beaucoup le P. Sogaro, mais il voulait plutôt l’envoyer à Genève, où il espérait pouvoir ouvrir une maison, que l’Evêque Mgr Mermellod voulait bien, n’eut été l’hostilité du gouvernement anticlérical de la Suisse.
Le P. Sogaro sollicita le Chapitre Général Ve de l’envoyer à Rome pour que, au nom de la Congrégation, il se mît à la disposition du Pape pour n’importe quelle Mission Etrangères. Le Chapitre décida que la Congrégation n’était pas encore prête.
Le P. Sogaro, après plusieurs années d’attente, et très déçu, voyant qu’il avait 35 ans et ne pouvait plus attendre, en 1874 demanda la permission d’être libéré des vœux et de sortir de la Congrégation, tout en remerciant les confrères pour les grands bienfaits reçus. La permission lui fut accordée, tout en regrettant cette séparation. Le P. Sogaro avait la vocation pour la Mission « ad gentes », puisque dix ans après, à la suite de la mort prématurée de Mgr Comboni, il lui succéda comme Vicaire Apostolique du Soudan et donna une importante impulsion pour que les Missionnaires Comboniens deviennent des religieux et reçoivent ainsi une bonne formation.
En 1875, en suivant la suggestion du P. Sogaro, le P. Lenotti envoya à Rome comme Conseiller et Procureur Général le P. Giovanni Rigoni, pour qu’il fasse comprendre au Cardinal Préfet de Propaganda Fide que « dans nos Constitutions, nous avons, si nos forces sont suffisantes, de travailler aussi dans les Missions Etrangères » (ad gentes). Pour cela il fallait que le P. Rigoni prît tous les renseignements pour que quelques Stigmatins se préparassent, pour les langues et autre formation, à partir en Mission, là où Propagande les aurait envoyés.
Le P. Procureur devait aussi travailler pour obtenir enfin l’Approbation officielle de notre Congrégation. Cependant cette approbation devait être secrète, pour que le Domaine ne cherchât pas sa revanche à propos des « biens-Benciolini » : à cause du climat anticlérical qui persistait aussi en Italie, on vivait toujours dans la crainte ! Finalement le P. Rigoni en parla au Pape, qui promit son aide, mais il fallait aussi parfaire les Constitutions.
2. Rapide déclin du P. Lenotti
Le Chapitre Général Ve avait décidé, avec l’assentiment du P. Lenotti, qu’on reprît l’enseignement dans notre école, ce qui se fera avec son successeur, le P. Vignola.
Le souci permanent du P. Lenotti, pendant tout son mandat, fut la stricte observance des Constitutions et autres Règles, si bien que, lorsqu’il y aura quelque relâchement, on rappellera que ce n’était pas comme cela qu’on vivait la vie religieuse stigmatine.
Le P. Lenotti n’avait presque plus de force, mais il s’efforçait de travailler encore. Le 30 mai 1875, il participa à la solennelle célébration de la Fête du Sacré-Cœur, qu’il avait lui-même instituée, mais qui reçut seulement cette année-là sa forme définitive.
Aucun remède n’améliorait la santé du P. Lenotti, qui souffrait toujours de ses crises de ventre et de fortes douleurs à la tête. Son médecin lui conseilla d’aller à Rabbi (Trente) pour un traitement avec les eaux thermales, mais il y prit froid à cause du mauvais temps, il rentra à Trente avec un confrère, où il se mit au lit pour reprendre un peu de forces, et vint alors à Vérone.
Entre-temps son frère Giuseppe était mort et avait été enterré.
Le 1er septembre 1875, le P. Lenotti se mit au lit, pour ne plus se relever. On lui rendait visite et tous étaient touchés par sa patience et sa résignation. Il répétait souvent : « Que Dieu soit béni ! Que sa volonté soit faite : c’est ce que je veux aussi ».
Au P. Préfet des profès, le P. Sembianti, qui lui rendait visite, le P. Lenotti dit : « Dites à vos jeunes de Ste Thérèse qu’ils obéissent très bien aux Règles, qu’ils vivent vraiment les Vœux, qu’ils aiment beaucoup le Seigneur et la Vierge Marie avec St Joseph et ils seront heureux ».
Après quelques jours d’agonie, le P. Lenotti rendit paisiblement son âme à Dieu : c’était le 5 septembre 1875, à 14h35, le même jour et heure de sa naissance : il avait donc exactement 58 ans. De ces 58 ans, il a vécu 41 ans de vie religieuse, 34 ans de sacerdoce et 4 ans comme Supérieur Général. Le chroniqueur soulignait aussi que c’était un dimanche et la même heure qu’était mort le P. Fondateur, au moment où quatre confrères allaient enseigner la catéchisme dans les paroisses.
Le P. Lenotti Jean-Baptiste a été un vrai fils de Bertoni. Beaucoup de personnes en ville ont réagi à la nouvelle de sa mort en disant : « Un saint et très zélé prêtre est mort aujourd’hui ».
Il était beaucoup aimé par tous les confrères et considéré considéré un parfait religieux et un saint ; la conclusion a été donnée ar un prêtre ami : « Confions-nous tous à l’intercession de ce nouveau saint ».
Nécrologie
Naissance : le 5 septembre 1817
Entrée aux Stigmates : le 20 avril 1834
Ordination sacerdotale : le 12 mars 1842
Supérieur Général : 1871-1875
Mort : le 5 septembre 1875
Age : 58 ans