MICHEL-ANGE GRAMEGO (sacerdote)
La vie de nos premiers Pères qui ont vécu avec St Gaspard Bertoni
1783 - 1953
Introduction
Le P. Lenotti a écrit cette brève biographie en 1873, après « l’heureux dénouement de notre contentieux » avec le Domaine Royal, qui avait confisqué tous nos biens.
Le P. Lenotti avait déjà écrit en 1847 un résumé de la vie du P. Louis Biadego.
NB. Nous remarquons dans les écrits de Lenotti qu’à la suite du Décret de Louange et de l’Erection canonique de l’Institut (1855), l’« Abbé » Gramego devient le « Père » Gramego, de même que l’ « Abbé » Bertoni devient le « Père » Bertoni.
Dans les deux écrits il y a aussi beaucoup de lacunes, toutefois nous les lisons volontiers, car ces écrits constituent un précieux témoignage sur ces Pères, que le P. Lenotti a bien connus.
Chapitre I
1. Enfance, Jeunesse et Etudes
Michel-Ange est né le 28 septembre 1783 à Vérone, dans la Paroisse de St Ferme Mineur en Braïda de bons et saints parents.
On sait qu’il a été élève des Ecole de St Sébastien. Nous ne savons rien des classes Infime et Moyenne qu’il a fréquentées ; par contre nous savons que la troisième année, la Suprême, il l’a faite en 1799-1800. Gramego avait alors 16 ans ; après cela il fait les trois années d’ « Humanité » et de Rhétorique dans les Ecoles de St Sébastien : nous avons ses cahiers, qui nous prouvent qu’il avait beaucoup étudié. Nous avons aussi les traductions qu’il a faites dans la troisième année de Grammaire (année d’Humanité) de l’Enéide de Virgile, de plusieurs livres de Cicéron, des Odes d’Horace et du De Bello Gallico de Jules César.
Pour la philosophie et la théologie il n’a fait que quatre ans (1803-1807), sans doute à cause des difficultés dues à la situation politique.
2. Etapes pour le sacerdoce
Le 20 décembre 1801 il a reçu la soutane dans l’église de St Ferme Majeur et il a été affecté à la même paroisse. Un mois auparavant il avait perdu son père Sébastien, « un saint homme et exemplaire » - comme écrit Gramego lui-même dans son journal.
Le 17 avril 1802 l’Abbé Michel-Ange reçoit la tonsure et l’Ostiariat des mains de Mgr Avogadro ; entre-temps il avait conclu les études d’Humanité et de Rhétorique. Cinq mois après il reçoit les Institutions de l’Exorcistat et de l’Acolytat. De 1803 à 1804 il a suivi le cours de Philosophie. De 1804 à 1807 il a étudié la Théologie Dogmatique et Morale avec les professeurs Raimondi et Galvani.
Le 13 avril, samedi Saint, il a reçu le Sous-diaconat de Mgr Avogadro.
En 1806 toute la ville de Vérone est sous la domination française ; Mgr Avogadro quitte la ville.
Le 14 avril 1806 l’Abbé Gramego a reçu l’Ordre du Diaconat à Asola par Mgr Federico Maria Molin.
Enfin c’est à Padoue qu’il a reçu, le 20 septembre 1806, l’Ordre du Presbytérat par Mgr Francesco Scipione De Dondis. Il a achevé ensuite ses études de Théologie jusqu’en 1807.
Chapitre II
1. Ami et confident de Bertoni
Nous ne savons pas en quelle année la famille Gramego est allée habiter dans la paroisse de St Ferme Majeur, peut-être après la mort du père en 1801. Par ailleurs nous savons qu’après la mort de sa mère, en 1810, Bertoni est allé habiter dans sa maison, dans la même paroisse de St Ferme Majeur.
Comme il avait dans la paroisse de St Paul au Champ de Mars, l’Abbé Gaspard a érigé à St Ferme l’Oratoire de Marie en 1816. C’est là que le jeune prêtre Michel-Ange est devenu l’ami de Bertoni, en s’inscrivant aussi dans la Congrégation de Marie.
2. L’Abbé Gaspard et d’autres prêtres aspirent à la vie religieuse
Le 15 juillet 1810, Bertoni, Gramego et Farinati et un autre Abbé étaient choisis pour porter la châsse du corps de St Gualfard de l’église de St Sauveur à l’église-mère de St Ferme ; c’est alors que les trois Abbés amis ont ressenti « une forte impulsion divine pour la vie religieuse ».
L’Abbé Gramego était très ami à l’Abbé Gaspard, car il fréquentait lui aussi avec d’autres prêtres sa maison pour des échanges sur des thèmes de théologie morale ou de spiritualité. Ces autres Abbés étaient, 1812, Farinati, Allegri, Brugnoli, les grands-séminaristes Marani, Mazza, Bragato et d’autres encore.
En 1814, après la chute de Napoléon, la Compagnie de Jésus reprenait vie et certains de ces prêtres souhaitaient y faire partie. C’était le cas de Farinati, Gramego et Bragato. Il fallait pour cela la permission de l’Evêque, qui la nia aux Abbés Farinati et Bragato. Quant à l’Abbé Gramego c’est l’Abbé Bertoni qui l’en dissuada, en lui disant qu’il aurait fait beaucoup de bien chez lui.
Bragato écrit dans ses notes : « Notre Abbé Gaspard avait l’habitude, en automne, de faire quelque petite excursion pour se remettre en forme physiquement et spirituellement. En marchant, l’Abbé Gaspard et quelques compagnons priaient tout en marchant et se dirigeaient, par étapes, vers le sanctuaire de « Notre-Dame de la Couronne », que les Véronais aimaient beaucoup. En 1811 ce pèlerinage par étape était composé par les Abbés Bertoni, Gramego, Bragato et Marani. Ils mangeaient peu et dormaient dans les granges, jusqu’à arriver à destination, le sanctuaire de Notre-Dame des Douleurs, à laquelle ils confiaient leurs soucis et projets.
3. Effets de la Mission de Saint Ferme
Une terrible disette frappait la moitié de l’Europe, dont l’Italie, depuis quelques mois ; la mort faisait déjà les premières victimes. C’est alors que le Curé de St Ferme Majeur a organisé une grande Mission au peuple pour sa paroisse et la ville entière ; animateur a été le chanoine Pacetti, secondé par l’Abbé Bertoni et d’autres prêtres, surtout pour les confessions. Pendant presque tout le mois de mai 1816 la participation a été extraordinaire, au point qu’on confessait dans les autres paroisses aussi. C’est à cette occasion que l’Abbé Gaspard a mûri l’idée qu’il avait depuis quelques années, de fonder une congrégation de « Missionnaires Apostoliques en aide aux Evêques » pour les Missions au peuple et pour tout autre ministère « dans le diocèse et dans le monde ».
Chapitre III
1. Entrée de Bertoni et compagnons aux Stigmates
Dans les temps libres de la journée et le soir, il préparait la leçon suivante et il corrigeait les devoirs, qu’il présentait le lendemain à ses élèves en corrigeant les erreurs et en félicitant ceux qui avaient bien travaillé. Souvent il y avait le tableau d’honneur. Avec cela Gramego avait toujours le souci d’inculquer à ses élèves une formation humaine et spirituelle.
Gramego était aussi un très bon catéchiste, depuis sa paroisse de St Ferme, où dans la crypte de l’église, le soir, il attirait des adultes de tout genre et travail à son enseignement qui les enchantait.
4. Prédicateur manqué
Pour faire le catéchisme à un petit groupe de personnes, l’Abbé Gramego était à l’aise, mais pas pour prêcher de la chaire à un grand nombre de fidèles : il paniquait tellement, qu’il en avait haut-le cœur.
L’Abbé Gaspard lui demanda de faire des efforts pour vaincre cette peur, mais l’Abbé Michel n’y réussit pas, au point que son supérieur le laissa tranquille. Il sera quand-même un bon Missionnaire Apostolique par le ministère de la confession.
Chapitre IV
1. Le confesseur providentiel
Voici notre bon Abbé Michel passer des heures et des heures assis au confessionnal, où il donnait de très bons conseils, son jugement pour chaque cas quelque peu compliqué était droit et juste, comme affirma de lui le célèbre théologien et conférencier dominicain, le P. Lelio Luigi Guerrieri, que toute la ville de Vérone connaissait.
Pendant les six mois du Jubilée « extra Urbem » (en dehors de la ville de Rome) en 1826, la Police empêcha toute prédication, mais les confessions furent très nombreuses, même la nuit.
L’Abbé Gaspard écrivait à Mère Léopoldine Naudet : « La fatigue augmente toujours davantage à cause des conversions de toute sorte de personnes, dont Dieu a touché le cœur dans ce Jubilée ».
Tout genre de personnes allaient se confesser cher l’Abbé Gramego : les petits gens du peuple, comme les riches, les nobles et les prêtres, parmi lesquels il y avait aussi l’Abbé Gaspard.
En 1827 l’Abbé Gaspard et confrères ont obtenu l’autorisation d’absoudre tous les péchés et censures réservés au Diocèse et même au Pape.
Lorsque, fatigué, l’Abbé Michel allait se reposer ou déjeuner, si quelqu’un le faisait demander, sur coup il s’énervait un peu, mais aussitôt il se calmait et allait encore au confessionnal.
Avec la permission du supérieur, il avait créé une petite bibliothèque de livres religieux (vies de saints et autre) qu’il prêtait à ses pénitents pour leur formation spirituelle. « Ces livres prêchent à ma place » - disait-il.
2. Patient et résigné dans les souffrances
3. Toujours serein et joyeux malgré tout
La nature lui avait donné un caractère aimable, qu’il rendit, par sa bonne volonté, encore plus joyeux et plein de bonne humeur, ce qui enchantait et encourageait toujours la communauté.
L’Abbé Gaspard écrivait ceci à l’Abbé Bragato : « Pour le reste, soyez heureux ; et lorsque vous avez besoin d’un peu de gaieté, envolez-vous par la pensée dans la petite chambre de l’Abbé Michel, si vous n’avez pas toujours la force dans vos ailes pour vous reposer au-dessus des nuées, dans le sein de votre Dieu et dans les plais glorieuses de votre Sauveur ».
Sa sainte joie, son bon cœur toujours, son aimable charité et l’aisance de ses manières réconfortaient les malheureux, consolaient les âmes affligées et dissipaient les anxiétés et les doutes des esprits angoissés. Il répétait souvent ces paroles de St Philippe Neri : « Dans ma maison je ne veux ni scrupules ni mélancolie ». A certains vieux, qui étaient fatigués par l’âge et pouvaient à peine marcher Gramego leur disait : « Voulez-vous qu’on danse un peu ensemble ? ».
4. Les Fioretti de l’Abbé Gramego et quelques hobbys
L’Abbé Gaspard aimait quelquefois mettre à l’épreuve la patience et le détachement de son jeune frère Gramego. C’est l’histoire des deux oiseaux que l’Abbé Michel avait dans une cage de sa chambre et qu’il aimait bien. L’Abbé Gaspard un jour l’a mis à l’épreuve en lui demandant de leur redonner la liberté, que les oiseaux aimaient sans doute davantage ; Gramego s’exécuta aussitôt, non sans un petit pincement au cœur.
Un soir, pendant le dîner assez pauvre, après la soupe il y avait un petit morceau de fromage, qui ne pouvait satisfaire le robuste P. Michel, qui pensa d’en rigoler en créant un dé avec le petit cube de fromage et, le jetant à côté de son assiette, il disait « deux, six… ».
Il avait encore d’autres hobbys pour se distraire dans ses continuelles occupations : c’était, par exemple, découper un carton et en faire une petite construction qu’il décorait avec du papier en couleur.
Mais son temps libre l’occupait plus souvent en rendant visite à l’un ou l’autre malade qu’il connaissait.
5. Quelques dévotions particulières
L’Abbé Michel aimait bien garder sur la table de sa chambre un crâne, pour réfléchir de temps en temps aux fins dernières. Il avait encore une image de l’Immaculée Conception qu’il vénérait en entrant et en sortant de sa chambre. Naturellement il aimait bien son Saint Patron St Michel Archange, dont il avait quelques images sur sa table et dans son livret de piété, et il récitait toujours son hymne pour obtenir sa protection. « Salut, Michel des cieux, chef et prince des Anges ; Salut, le puissant et fort, défends-nous à l’heure de notre mort ; Salut et réjouis-toi, ô beau Séraphin, glorieux parmi tous les Anges ! Honore la Mère de Dieu et prie beaucoup pour nous ».
Comme nous voyons dans son journal, il avait une dévotion particulière aussi aux Saints Epoux Marie et Joseph, qu’il priait souvent.
Chapitre V
1. Les dernières années
Le robuste et fort Abbé Michel, en prenant de l’âge et s’étant beaucoup fatigué dans ses occupations et à cause de quelques maladies, devenait de plus en plus faible de corps et d’esprit. Ainsi, il lui arrivait de pleurer souvent pour un petit malheur, comme pour un petit bonheur. Son occupation principale était maintenant la prière et l’adoration du St Sacrement.
Très fatigué, il marchait lentement avec sa canne, dans la maison et rarement dehors. Il célébra dans dernière Messe le 27 octobre 1852, mais il allait survivre encore neuf mois.
Lorsqu’il entendait qu’un tel était mort il disait : « Eh oui, il n’y a pas de remède, mes frères ; par ailleurs la mort est le seul moyen, la seule porte pour nous unir à Dieu et le voir et jouir de son éternel bonheur ».
2. « Maintenant mon tour est arrivé de te suivre »
Le 12 juin 1853 son très cher Père Gaspard mourrait. En le regardant serein dans son lit, libéré de tout signe de souffrance, l’Abbé Michel semblait lui dire : « Maintenant mon tour est arrivé de te suivre ». En effet, un seul mois après (31 juillet), il l’a rejoint au ciel.
Lenotti écrit dans ses Souvenirs : « Le bon maître, le parfait confesseur, le très doux Abbé Michel Gramego è mort de la mort du juste. Nos avocats augmentent au ciel, tandis que les collaborateurs sur la terre diminuent. Que ta volonté soit faite ! ». « La vie du P. Gramego se passa entre le confessionnal et l’école, une vie cachée et de dévouement, qu’il a finie à 70 ans, dont 27 dans notre Institut. Il est regrettable que trop peu de souvenirs nous restent ».
3. Un des principaux collaborateurs du Fondateur
Le P. Michel Ange Gramego restera toujours comme une bénédiction, car il a été un des premiers et principaux collaborateurs de Bertoni dans la fondation de la Congrégation, qu’il aimait beaucoup. Pour elle il a peiné et a sacrifié sa vie. Face aux événements menaçants et troublants de la politique,
il ne pouvait pas croire qu’un jour sa chère Congrégation n’aurait plus existée.
« Voyez - disait-il – combien de dépenses, de peines, de fatigues et sueurs nous a coûté cet Institut ! Voici notre église si belle et fournie de tout le nécessaire, là la maison construite dans ce but religieux, ici la riche bibliothèque munie de tant d’œuvres illustres, là la campagne pour pourvoir aux nécessités des religieux ! Maintenant que tout est prêt et acquis, comment le Seigneur, qui nous assistés pour préparer tout cela, pourrait-il laisser son Œuvre tomber à l’eau ? » C’est ainsi que le bon Père se réconfortait lui-même et ses frères.
Ses paroles pleines d’espérance n’ont pas été vaines ; à preuve la victoire sur le Domaine Royal, après une si longue lutte.
4. Sa petite Chronique
On ne peut pas mettre un terme à la vie de ce saint prêtre sans évoquer son « Livret des Souvenirs de ceux qui sont venus aux Stigmates ». Il s’agit de 17 pages pour une période de 31 ans : de 1816 à 1847. Ses « Nota bene » et « Nota benissimo » se succèdent pour parler de l’entrée de l’un, de la sortie ou de la mort de l’autre, commentés par ses réactions de joie ou de peine, parfois d’indignation ou de consternation jusqu’à casser une fois la plume entre ses doigts. Partout y transpire son amour passionné pour sa petite Congrégation, qui était sa vraie famille.
Le sympathique auteur ne pouvait nous laisser un portait plus vif et vrai de lui-même. On y découvre toute l’âme et le style de Gramego : sa joie, sa bonne humeur, son enthousiasme, ses traits d’esprit.
« Remarque bien, voire très bien et plus que très bien ». « Oh quelle joie ! Retiens très bien et sois heureux ! » « Et voici une belle et même très belle nouvelle ! » « Note, hélas, car il faut écrire cela aussi » …
Tantôt il est joyeux pour la bonne nouvelle qu’il va écrire, tantôt il est triste pour le départ ou la mort d’un confrère. « Oh, bas, très bas ; hélas » : c’est une annonce de douleur. Parfois il est ironique et amer dans le cœur pour l’une ou l’autre mauvaise nouvelle.
Préoccupé, il écrit : “Mais que ferons-nous avec cette société de collecteurs d’impôts ?! », il parle des deux confrères affectés aux Derelitti, Marani et Zanoli, tous les deux fatigués et malades.
« O mon Jésus, que faites-vous ?... Faites guérir l’Abbé Marani ; ainsi ma consolation sera complète ».
Nécrologie
Né à Vérone le 28 septembre 1783
Ordination sacerdotale : le 20 septembre 1806
Entrée aux Stigmates : le 04 décembre 1916
Mort : le 31 juillet 1853
Age : 70 ans